Le collectif toulousain d’artistes autogéré Mix’Art a donné une nouvelle vie à l’ancienne usine Myrys. Découverte d’un lieu original qui met la création artistique au cœur de la ville rose.
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L'enseigne du collectif
toulousain situé au 12 rue Ferdinand Lassalle. (Crédit photo : Thibaut
Calatayud)
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Il règne une drôle d’ambiance dans la rue Ferdinand
Lassalle. Au beau milieu des constructions austères du siècle dernier, une
usine se démarque. Entre les caravanes garées sur le côté du parking et les
chiens graffés en l’honneur de la nouvelle année chinoise, l’ancienne usine de
chaussures Myrys fait figure d’OVNI.
Plusieurs artistes ont graffé des chiens sur les murs de l'usine. (Crédit photo : Thibaut Calatayud) |
Une gestion
démocratique au service de la créativité
Étendue sur plus de 6 000 m2, l’ancienne usine regroupe près de 80 artistes tout au long de l’année. Surtout utilisé comme un lieu de création, le local accueille également en moyenne 20 000 visiteurs par
an : « Notre public a une diversité rare, au niveau de l’âge ou des
origines sociales. » raconte Joël Lécussan, le coordinateur de l’association.
L’originalité du projet de Mix’Art tient dans le principe d’autogestion
du collectif. Joël Lécussan a expliqué cette démarche : « L’autogestion
s’est créée de manière empirique. Tout est basé sur un principe d’échange. Les
membres actifs disposent d’un espace mutualisé. En contrepartie, ils s’engagent
à faire le ménage ou encore accueillir le public. Au niveau du
financement, on s’autofinance à hauteur de 50 % grâce aux évènements que l’on
organise. Mais on n’a pas peur de dire que nous recevons des aides des collectivités.
Nous estimons être d’utilité publique. Cependant, l’Etat ne nous donne pas d’argent,
car nous sommes encore dans une situation d’illégalité. »
Le grand hangar héberge les ateliers tandis que les bureaux accueillent la direction et la cantine collective. (Crédit photo : Thibaut Calatayud) |
La démocratie est l’un des autres enjeux du collectif. En
effet, tous les mardis soir, les membres se rassemblent pour une assemblée générale.
Le dialogue est primordial pour les artistes. De plus, tous les ans, une collégiale
est élue. Elle a notamment pour rôle de juger les demandes d’atelier.
C’est ce groupe qui choisit en fonction du projet et de la maturité artistique de l'artiste, la mise à disposition ou non d’un espace de travail. « Un refus n’est
jamais rédhibitoire. » précise Joël Lécussan.
Pour Didier Bonnemaison, créateur de la Kiss
Machine, l’autogestion offre un véritable confort artistique : « Le
lieu est ouvert tous les jours. On n’a pas d’heure car on assure la
surveillance. De plus, si tu as une affinité avec un artiste, tu peux lui
prêter ou te faire prêter des affaires. » Cependant, ce modèle n’est pas
dénué de frictions entre les artistes comme il nous l’explique : « C’est
comme une coloc’, un couple. C’est la vie… En jouant le jeu ça marche, la
preuve, sinon on ne serait plus là. » Pour le coordinateur, cette
promiscuité sert également au plan artistique : « On tient à ce qu’il y
ait des frottements pour que les œuvres poussent aux débats. Sans cela, il y a
trop d’accords sur l’esthétique et on rentre dans un ronronnement sclérosant. Cette
diversité permanente favorise l’émulation. »
Didier Bonnemaison prépare le festival toulousain des arts numériques du 24 au 26 mai 2018 (Crédit photo : Thibaut Calatayud) |
Des spécialités
diverses et variées
Mix’Art Myrys met en relation toutes sortes d’artistes :
du plasticien au comédien en passant par le dessinateur. Guillaume Balssa alias Mëos,
graphiste et dessinateur vient travailler dans son espace lorsqu’il a du temps :
« Ici, je fais surtout des projets personnels car j’ai de la place. Mais
je ne viens pas tout le temps car c’est parfois bruyant, on entend les scies. »
Le jeune graphiste a une approche originale de l’art : « Je
préfère une œuvre qui me fasse rêver plutôt qu’un discours qui me fasse rêver
comme dans l’art contemporain. »
Mëos est en train de réfléchir à un nouveau dessin. (Crédit photo : Thibaut Calatayud) |
Xano Martinez,
un artiste espagnol, se présente comme un « chercheur de lumière ».
En effet, nombreuses de ses œuvres ont un lien avec la lumière comme les
lithophanies en impression 3D ou encore ses différents mappings (projection de
lumière sur une structure).
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Xano doit attendre 20 heures pour l'impression de ses lithophanies. (Crédit photo : Thibaut Calatayud) |
Présent à Myrys depuis 6 ans, Xano a plusieurs casquettes
comme celle de metteur en scène de pièce de théâtre. Aujourd’hui, il cherche à
développer une sorte de fablab : « C’est un mouvement mondial sur les
outils numériques. Pour que tout le monde ait accès aux machines numériques
comme l’imprimante 3D. Ici, c’est une « espèce » de fablab car seuls
les artistes ont accès à cette salle. »
Xano attend la fin de l'impression d'un personnage imaginé avec sa fille. (Crédit photo : Thibaut Calatayud) |
Xano va exposer dans les locaux de Mix’Art, le 10 mai. Une
exposition interactive intitulé « Mes ancêtres » aux influences
cyberpunks mêlant structures imprimées en 3D et projections vidéo. « Je
vais mélanger le vieux avec les nouvelles technologies. » résume l’artiste
autodidacte, qui a tout appris sur Youtube.
Voici une vidéo montrant l'impression 3D :
À l’entrée des anciens murs de Myrys, les visiteurs donnent ce qu’ils veulent pour voir les artistes à l’œuvre. L’occasion pour les Toulousains de s’ouvrir
à l’art et de s’intéresser au processus de création à moindre coût.
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